Un poème qui résonne aux pas des Trotteurs

Comme une invitation au voyage, j’ai envie de partager avec vous ce poème, qui résonne aux pas des Trotteurs !

Car la poésie a ce pouvoir secret, cette générosité de nous laisser vagabonder dans ses farandoles de mots. Entre murmure, souffle chaud ou saisissant écho.

CONSEILS AU BON VOYAGEUR

Ville au bout de la route et route prolongeant la
ville : ne choisis donc pas l’une ou l’autre, mais
l’une et l’autre bien alternées.
Montagne encerclant ton regard le rabat et le
contient que la plaine ronde libère. Aime à
sauter roches et marches ; mais caresse les
dalles où le pied pose bien à plat.
Repose-toi du son dans le silence, et, du silence,
daigne revenir au son. Seul si tu peux, si tu sais
être seul, déverse-toi parfois jusqu’à la foule.
Garde bien d’élire un asile. Ne crois pas à la vertu
d’une vertu durable : romps-la de quelque
forte épice qui brûle et morde et donne un goût
même à la fadeur.
Ainsi, sans arrêt ni faux pas, sans licol et sans
étable, sans mérites ni peines, tu parviendras,
non point, ami, au marais des joies immortelles,
Mais aux remous pleins d’ivresses du grand fleuve
Diversité.
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Victor Segalen, Stèles