Les racines de mon engagement : ce que le cancer m’a appris
« Maintenant tu es guérie ! ».
Des mots tellement attendus qu’ils résonnent de façon irréelle, après des mois de combat face à la maladie.
Guérie ? Alors y’a plus qu’à…
Le tapis rouge se déroule. Nouveau départ vers l’inconnu.
30 ans après, je me souviens de ce moment. Comme délestée d’un poids, une joie intense mêlée d’une étrange sensation de vide. De recommencement. Reprendre la vie là où elle s’était figée à l’annonce de la maladie.
Embarquement pour un drôle de CDI
J’avais un peu plus de 20 ans quand le cancer m’a stoppée en plein vol. Embarquement pour un drôle de CDI : « Combat à Durée Indéterminée ». Face à un adversaire dont je ne connaissais rien et qui allait se montrer plus virulent que prévu. M’obligeant à stopper toute activité durant 2 ans. Une vie entre parenthèses, rythmée par des traitements éreintants, coupée du monde.
Puis ce fut une lente remontée vers « un nouveau départ ». Repartir à zéro. Surveillée comme le lait sur le feu, avec une envie de vivre débordante. Une joie intacte. Et un regard à jamais changé sur la vie. En total décalage avec ceux de mon âge. La sensation d’être une autre. Une rescapée… « Toi tu as de la chance, tu t’en es sortie ». Ce qui n’était pas le cas pour plusieurs compagnons emportés par la maladie. Laissant à jamais un trou béant.
Comment vivre l’après ?
L’après cancer, rien ne nous y prépare. Les médecins n’en parlent pas. Et pourtant cette étape délicate est décisive dans la reconstruction d’une vie qu’on a tellement hâte de retrouver « normale ».
Le cancer crée une rupture brutale dans une trajectoire de vie. Du jour au lendemain, tous les repères sont chamboulés. Les priorités se redessinent, le quotidien se réorganise, le noyau familial se recentre ou éclate. Toute l’énergie se redirige vers un seul objectif : sauver sa peau.
Après des mois de lutte sans répit, cet objectif une fois atteint, c’est le vide. Aussi inattendu qu’incompréhensible. Par quoi le remplacer ? Comment reprendre la route ? Dans quelle direction ?
Au-delà de l’épreuve physique, la maladie est un parcours initiatique qui met face à soi-même, à sa propre mort. Elle invite à aller puiser en soi des ressources insoupçonnées, à se découvrir des facettes inconnues. Elle fait toucher à la vulnérabilité de la vie, à l’idée que tout peut s’arrêter du jour au lendemain. Elle questionne en profondeur sur le sens de la vie.
Prendre le temps de (re)faire connaissance avec soi-même est essentiel pour se reconnecter à ses aspirations profondes, interroger ses propres besoins, choisir une voie qui permettra de s’épanouir tout en se préservant.
Nouveau départ : une quête de sens
Ce sujet du nouveau départ me tient à cœur. Pour avoir vécu cette période de l’après, entre flottement et envie de foncer tête baissée pour « faire comme si de rien n’était », je sais à quel point il est important de ne pas aller trop vite. Au risque de passer à côté de soi. Il y a un temps incompressible de maturation.
Etre accompagné dans ces moments de réinvention personnelle et professionnelle permet de regonfler l’estime de soi mise à mal, reprendre confiance en ses capacités, s’interroger sur ce qui motive vraiment. S’engager dans une voie qui tient à cœur est la clé pour préserver son énergie, réalimenter la pompe et insuffler le carburant nécessaire dans les moments de doute, tout en contribuant à solidifier le chemin de guérison.
Tout cela nécessite une réflexion sur de nouveaux objectifs de vie, incluant à la fois l’aspect professionnel mais aussi plus globalement toute la dimension personnelle ou spirituelle, le questionnement identitaire que l’épreuve peut engendrer. Et là, chacun connaît son propre rythme. Pas de conduite à suivre, pas de recette toute faite. Beaucoup d’écoute et du temps pour faire émerger les vraies envies.
De quoi ai-je vraiment envie maintenant ? Qu’est-ce qui est important pour moi ? Dans quelle direction m’orienter ? Changer de voie, explorer de nouvelles pistes, tout en prenant soin de moi en m’octroyant du temps, pratiquer une activité sportive, tisser de nouveaux liens, me recréer un cercle de soutien et d’amis plus en phase avec ce que je suis devenu(e), en acceptant que certains aient tout simplement déserté. Savoir dire non et s’affirmer avec aplomb et sérénité.
Et se rappeler que les nombreuses ressources activées durant l’épreuve sont bien là comme autant d’atouts pour bâtir un nouvel équilibre et se remettre au centre de sa vie. Guérir en reconnectant la tête, le corps et le cœur.
Ce chemin prend du temps. Un temps long et propre à chacun.
Béatrice Pasquer
Depuis 2004, j’accompagne les dirigeants, entrepreneurs et managers dans leur développement ainsi que les personnes en réinvention professionnelle suite à une rupture de parcours. Un engagement fort qui s’enracine dans mon vécu personnel et la conviction que nos sorties de route et bifurcations sont autant d’opportunités de renaissance à soi et de nouveau départ. Lire +